A l’aube de l’ouverture du musée de
Villeneuve, la question « faut-il faire entrer l’art brut au musée
» reste toujours aussi embarrassante !
Dans l’obligation d’informer au mieux le public sur la teneur de
la richesse de l’ensemble des collections, rassemblées pour la
première fois dans l’histoire de l’art et muséale sous le même
toit, il est important d’en considérer l’éclectisme.
L’art moderne et contemporain sont des dénominations
chronologiquement culturelles de l’histoire des beaux-arts ;
l’art brut est situé hors de cette chronologie, mais il se doit
cependant de figurer dans un musée auprès de toute autre création
parce qu’il est un art dans le sens grec de technè, d’activité
productive d’une façon convenant au créateur et au résultat
physique. Si l’art brut se situe hors des valeurs établies par
l’histoire de l’art, il n’est pas moins l’élan originel
humain au sein d’un monde mécanique et intellectuel, le besoin de
manifester plastiquement les sentiments les plus puissants, la faim
de symboles pour fixer et approfondir le vécu personnel.
Dans un même musée, l’art brut à côté des «art moderne et
contemporain» nous rappelle une incommode généalogie oubliée…
à l’époque de crise de la modernité, les esprits ont dû
rechercher une issue en changeant de perspective, il s’est alors
imposé le besoin de regarder d’une autre manière (« retour aux
sources»).
De cette nécessité interne ainsi qu’externe sont nées des
explorations diverses comme l’ethnologie, mais la plus chère et
la plus profonde, car elle concerne l’homme dans sa globalité,
est celle de l’art brut qui aura marqué une page dans
l’histoire de la création.
Nombre de textes ont été écrits sur ce dernier, les analyses les
plus fines, les plus pertinentes qui devraient faire qu’aucun
malentendu ne puisse plus jamais être formulé à son propos ;
ainsi devons-nous ne jamais oublier qu’il s‘agit de la reconquête
d’une énergie intime, de sa réorganisation.
Acte issu d’une expérience personnelle : celle que “l’homme
du commun” acquiert au travers d’un métier, d’une pratique,
voire d’une épreuve et qui annule toute tentative de comparaison
ou d’assimilation avec ce qui tient d’une recherche artistique
esthétique.
Il s’agit ici
d’histoire humaine, de ses aléas, de ses vicissitudes, de la
fatalité, et non, bien entendu, d’histoire de l’art, avec ses
mouvements, ses lois, ses exigences, ses revendications. Il s’agit
aussi, et sans doute est-ce en cela que nous ne pouvons y être
indifférent, d’un peu de soi !
Successivement mis à jour par les psychiatres, les artistes, les
intellectuels, les œuvres «art brut» demandent grande attention.
Face à ce déferlement de singularités, d’individualités, il
est difficile d’évaluer avec justesse la place qu’elles doivent
occuper au sein d’un musée d’autant que pour la première fois
l’audace est prise de réunir le tout !
Et puisque pour la première fois un musée tente ce rassemblement
il ne faut qu’aucun doute ne subsiste à ce propos, mais que ce
soit pour tout un chacun une leçon de vérité d’acquis et de
plaisir.